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jetée sur un lit dans la chambre voisine. Énervé par la faiblesse de son âme, le père avait fui la maison, et s’était endormi brisé sur un banc du jardin. Au moment du dernier soupir de Clarisse, ils étaient seuls, Mme Bertin, Lucie et Michel. En vain Lucie avait supplié sa mère d’aller rejoindre M. Bertin. La pauvre femme s’était obstinée à rester là ; mais sous une pareille torture ses forces avaient fléchi, et repliée sur elle-même, elle gisait à terre, au milieu de la chambre.

Elle n’avait guère en ce moment la faculté que nous appelons raison ; mais quand elle entendit le silence et l’immobilité succéder à l’agitation, quand elle vit les bras de Michel retomber inertes et Lucie chanceler, alors elle comprit. Elle voulut se lever, courir à sa fille, crier, mais elle ne put. Michel lui amenait Lucie. Elles retrouvèrent des forces pour s’étreindre. Clarisse ! cria la pauvre femme. Seuls les gémissements de Lucie répondirent, mêlés aux sanglots de Michel.

— C’est fini ! dit enfin la pauvre mère en levant ses mains jointes. C’est donc fini ! Elle n’est plus, ma première-née, le doux fruit de l’amour, le premier trésor de notre espérance ! Elle était donc née pour mourir !

Et des idées qu’elle ne pouvait exprimer se pressaient sur ses lèvres. — Aurait-on cru qu’elle devait mourir quand elle marchait toute petite avec ses souliers bleus et sa robe blanche, si fraîche et si rose alors ! Ils avaient pleuré de joie de lui voir faire ses premiers pas. On la regardait avec amour comme un avenir vivant. À quinze ans, elle était charmante et gaie ! Elle regardait devant elle avec espérance, tout ouverte à la vie, à de douces attentes. On voyait luire ensemble son sourire et ses yeux. Mais peu à peu elle était devenue sérieuse ; un nuage avait voilé son front ; son sourire avait disparu ; des rougeurs ardentes avaient remplacé ses fraîches cou-