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moi ! On lui parla d’autre chose, mais elle revint à dire un moment après : Les oranges sont-elles bien chères à présent ? Mme Bertin ne répondit pas et se détourna pour cacher ses larmes. Tu en auras demain, dit Lucie en embrassant sa sœur. La pauvre fille remercia d’un sourire et devint plus calme. — Tu as eu tort de la tromper, dit quelque temps après Mme Bertin à Lucie, elle en souffrira davantage. Lucie ne répondit rien. Mais le lendemain matin elle présentait quatre belles oranges à Clarisse, qui fut charmée.

— D’où te sont venues ces oranges ? demanda Mme Bertin quand elle fut seule avec Lucie.

— J’ai trouvé quelque monnaie dans mon tiroir, dit la jeune fille en rougissant.

— Et qui donc est allé les chercher à Gonesse ?

— Un bon génie, répondit-elle d’un accent qui laissait deviner la vérité.

Une contraction agita le visage de Mme Bertin ; elle rougit, hésita ; Lucie quitta la chambre, et Mme Bertin ne revint plus sur ce sujet.

Bientôt après, quoique la malade en bût fort peu, le vin rouge manqua de nouveau. Mme Bertin alors fît à son mari, devant Lucie, la proposition d’un emprunt sur hypothèque. — Il faut à tout prix, dit-elle en sanglotant, adoucir les derniers moments de notre malheureuse fille.

— Ma femme, répondit M. Bertin, j’ai fait à mon père sur son lit de mort le serment de ne jamais engager mon bien, et ce serment, je le tiendrai. Songe d’ailleurs que c’est tout l’avenir de notre vieillesse et la seule ressource de Lucie. Or, vois-tu, si nous commencions une fois à l’hypothéquer, notre petit domaine fondrait dans nos mains comme beurre au soleil. C’est comme ça que mon père a mangé cent mille francs, sans même le savoir. Il faudra trouver autre chose.