Elle referma sa porte.
Ils passèrent alors dans le pré tous deux. L’herbe s’écrasait sous leurs pieds avec un bruit sourd.
— Quel temps rude pour ce long voyage ! ô ma pauvre chérie ! Vos petites mains sont froides, et vos pieds, donc ! Laissez-moi vous porter.
— Michel, vous n’y songez pas ! Calmez-vous un peu. Allez-vous devenir fou parce que me voilà ?
— Peut-être bien ai-je failli le devenir tout à l’heure. C’est comme un rêve ! oh ! non, c’est bien mieux ! C’est vous ! vous, ma Lucie ! Hélas ! puisque je ne puis te voir, laisse-moi l’embrasser. Lucie, à présent vous ne partirez plus ?
— Oh non ! j’ai trop souffert là-bas. Je n’ai pas su vous dire par lettres la moitié de mon ennui.
— Vrai, ma Lucie ? Que vous ont-ils donc fait ?
— Eux ! Mais je n’y songe pas. Quoi, Michel, vous ne devinez pas ma plus grande peine ?
— Ah ! si, va, je la connais bien. Lucie, ma chérie, serait-il possible ? M’aimez-vous autant que je vous aime ?
— Ingrat ! c’est moi qui vous demande cela. Maintenant que l’épreuve est accomplie, maintenant que je puis dire en toute assurance, qu’à la vanité je préfère l’amour, m’accepterez-vous sans crainte pour votre femme ?
— Ne parlez pas ainsi, ma Lucie. Vous me faites frémir le cœur, comme si c’était vrai, et peut-être…
— Il faut espérer, Michel, espérer de toutes nos forces. Moi, je fais plus que d’espérer, je crois. Vous verrez, mon ami, les jours passeront, la résistance s’usera, et notre amour ; lui, ne s’usera point.
— Non, Lucie, non ! car plus le temps passe, et plus je vous aime ! Avant de vous avoir connue, mon cœur était comme un petit enfant ; il me semble à présent qu’il