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— Ah ! ah ! d’Aurélie ! Ah !

Une ombre de vague inquiétude assombrit les visages.

— Eh bien ? demanda M. Bertin.

— Eh bien ? répéta Clarisse avec un peu d’effort.

— Eh bien ! elle se marie décidément avec l’ingénieur.

Il se fit un moment de silence.

— Ah ! est-ce bien sûr demanda M. Bertin d’une voix quelque peu enrouée.

— Parfaitement, mon voisin. Tout à l’heure, Mme Bourdon et Mlle Aurélie ont passé sur la place, devant ma fenêtre, dans la voiture de M. Gavel.

— Avec lui ?

— Sans doute ! il conduisait.

— Eh ! eh !

— En effet, dit Mme Bertin, de la voix aigre et sèche qu’elle avait quelquefois, lorsqu’il s’agit d’une femme si sévère sur les convenances qu’est Mme Bourdon, cela peut s’appeler une preuve. Oui…, certainement…, répétait-elle machinalement en regardant Clarisse, dont les pommettes devenues écarlates contrastaient avec son teint livide.

Lucie, quittant doucement sa place, alla faire un verre d’eau sucrée, mêlée de fleurs d’oranger, qu’elle remit à sa sœur.

— Aurélie se marie bien jeune ! dit M. Bertin en allant et venant dans la chambre.

— Bien jeune ! vous n’y pensez pas, mon voisin. N’a-t-elle pas dix-huit ans ? Je voudrais savoir combien de partis elle a déjà refusés ! Oh ! des filles riches comme cela, on n’attend pas longtemps à les marier.

— M. Gavel est riche aussi ?

— Je crois bien ! Sa place d’abord est de six mille francs, et puis son père, le sous-préfet de l’arrondissement, a une très-belle fortune, d’autant que sa femme,