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l’être. Je me suis aperçue qu’elle reçoit avec déplaisir les compliments qu’on lui fait sur sa cousine, et qu’elle s’ennuie de m’avoir à ses côtés. Moi, j’étais plus modeste, et ne me serais point avisée sans elle de croire que je pusse lui faire tort. Mais ce n’est pas dans le monde seulement qu’elle est jalouse, mon ami, et, le croiriez-vous, elle a réellement lieu de l’être dans sa maison. Michel, je plains ma cousine de toute mon âme ; elle ne peut être que bien malheureuse.

« Quant à moi, jugez si ma situation est pénible : les attentions, les compliments, les prévenances excessives de M. Gavel me sont insupportables ; ses regards me blessent, toute sa manière d’être vis-à-vis de moi, surtout quand il nous arrive d’être seuls, me cause un profond malaise, et de plus j’ai à supporter encore la haine injuste de ma cousine et son chagrin très-légitime. Dans tout cela, Michel, vous devez le penser, il n’y a rien de déclaré ; en apparence, tout se passe entre nous très-convenablement. Cependant, je ne puis supporter plus longtemps une situation pareille.

« M. Gavel n’a-t-il pas osé me parler de vous, Michel ! Ma réponse a dû lui faire sentir, en même temps que mon estime pour vous, mon mépris pour lui, et j’ai été bien aise de cette occasion ; car, du reste, je ne lui dis rien, n’osant pas avoir l’air de le comprendre.

« Quant à vous, mon ami, qui avez aussi le droit d’être jaloux, ai-je besoin de vous dire que je me garde des familiarités de cet homme comme je ferais des morsures d’une vipère ? Votre Lucie a, plus que jamais, soin de sa dignité depuis qu’elle vous appartient, et je comprends mieux ce qui pourrait y porter atteinte depuis que je vous aime. »

La semaine d’après, un samedi soir, à nuit tombée, la carriole du père Bourguignon, revenant de Poitiers, ca-