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visage réellement frappantes, et Mlle Amélie, une de mes connaissances nouvelles, à qui je parlais de cela, me disait, car elle a voyagé, qu’on retrouve partout, à des centaines de lieues, et chez des peuples différents, des types pareils et des visages semblables. Cela devrait donner à penser à tout le monde, n’est-ce pas ? que nous sommes tous une même famille, plus étroitement unie qu’on ne pense, et qu’il y a d’autres parentés que celle du sang. Je ne crois pas que nos deux visages se ressemblent, Michel, mais à coup sûr nous sommes parents, vous et moi. N’en disons rien, on nous demanderait des dispenses pour notre mariage.

« Moi, je suis toujours pleine de certitude et d’espérance, Michel, et je voudrais qu’il en fût ainsi de vous. Je m’ennuie loin de vous, mais je suis si heureuse de vous aimer et de porter partout avec moi votre pensée, que mon sort ne serait pas à plaindre si je n’étais inquiète de vous. J’ai toujours sur mon cœur la tristesse de vos adieux.

« Vous tenez à connaître mes impressions, les voici : — D’abord je n’étais pas venue à Poitiers depuis l’âge de six ans. J’ai été saisie d’émotion à cause de quelque chose de solennel qu’il y a dans la hauteur des maisons, dans l’aspect de la foule, dans la sonorité des rues, le bruit des voitures, le luxe des appartements. J’ai observé que les choses nouvelles nous frappent toujours de respect d’abord, jusqu’à ce que nous les ayons connues. Cette impression ne persistera pas sans doute. Je vous l’ai dit, les gens d’ici ressemblent à ceux de chez nous, sauf des habitudes et des usages. Y a-t-il quelque chose de plus ? Oui, mais il y a aussi quelque chose de moins. Et je puis vous assurer déjà que je ne suis pas faite pour vivre à la ville. Non-seulement je désire d’être où vous êtes, mais je souffre déjà du manque d’espace et de liberté. Adieu, mon ami, adieu, Michel ! Je n’ose pas essayer de vous dire combien je vous aime ! »