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déjà extrêmement. La froideur solennelle de ma cousine me serre le cœur. Les meubles de soie et de velours, les glaces dorées, les bronzes, les pendules, me regardent de haut et me font regretter nos vieux meubles si laids, mais qui avec leur air de famille et d’amitié me tenaient vraiment compagnie. Je me sens ici profondément seule.

« Je pense à vous tout le jour, ici comme à Chavagny, mais je n’ai plus l’espoir de vous rencontrer.

« Vous allez m’écrire, n’est-ce pas ? Il faudra me parler beaucoup de vous, comment vous êtes, ce que vous faites, et ce que vous pensez. N’allez pas me dire que vous avez de l’inquiétude et des doutes, mais dites-moi bien toute la vérité. Michel, je ne puis vous exprimer quel souci j’ai de vous. Je me sens chargée de votre bonheur, et me fais un continuel reproche de vous avoir abandonné. C’est vous cependant qui l’avez voulu.

« Oh ! méchant ! vous mériteriez que je vous donnasse de la jalousie. Écoutez ! je me suis aperçue que ; généralement, on me trouvait assez bien, et je vous écris le lendemain d’un bal où j’ai dansé quatre fois avec le même danseur, un jeune homme très-aimable, Michel. On m’en a même fait des plaisanteries, et j’ai appris en même temps que ce monsieur a régulièrement chaque hiver une passion nouvelle. Quelle abondance de cœur ! Ne pensez-vous pas que cela me touche ? Mais vous voulez savoir encore s’il est mieux que vous. Ah ! Michel, je ne puis vous répondre qu’avec mes yeux sur cette question-là. Regardez-les bien. Ils sont toujours les mêmes, et vous savez ce qu’ils vous disent quand vous les regardez.

« Michel, je vous aime, et vous le savez ; laissons toutes ces folies. Le monde, mon ami, n’est pas aussi beau que vous le rêvez, ni que je le rêvais moi-même. Les gens d’ici ressemblent à ceux de Chavagny plus que vous ne pensez. J’ai même trouvé deux ou trois ressemblances d’air et de