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aimable. Ton mari, s’il était puissant, ferait donner une bonne place à Gustave, et nous rajeunirions, ton père et moi, en contemplant votre bonheur à tous. Ah ! ma chère Lucie, ton cœur est trop tendre pour n’être pas touché d’un pareil tableau !

Quoique gorgée d’amertume en se voyant exclue du bonheur réservé à sa sœur, en voyant son avenir mis au rebut et délaissé, comme si déjà elle eût été dans la tombe, cependant Clarisse insistait aussi auprès de Lucie, non pas avec tendresse, ni même avec aucune apparence d’intérêt, mais avec le dédain et la sécheresse dont elle avait pris l’habitude vis-à-vis de sa jeune sœur, depuis que celle-ci avait avoué son amour pour Michel. Lucie fut inébranlable ; non-seulement elle répugnait à recevoir l’hospitalité de M. Gavel, mais surtout elle pensait que son séjour à la ville, au milieu des fêtes, remplirait Michel d’inquiétude et de chagrin. Elle fut bien surprise quand il l’engagea lui-même à partir, d’une voix ferme et d’une volonté décidée.

— Me semble, lui dit-il, que vous ne serez bien à moi que si un autre sort ne vous fait point envie. Depuis que je vous ai vue pleurer pour la honte qu’on vous fait à cause de notre amour, j’en suis tout rempli de tourment et de souci, et me ferais quasiment reproche, moi aussi, de ne point être un beau parti pour vous. Allez donc voir ce que c’est que le monde, ma Lucie, et quand vous reviendrez, si vous trouvez alors Chavagny trop petit et votre Michel trop simple, vous me le direz, n’est-ce pas ?

— Je vous dirai, répondit-elle en essuyant les larmes que le courageux garçon laissait couler sur ses joues malgré lui, je vous dirai comme à présent, Michel, que je vous aime, et que vous êtes bien supérieur à cette foule d’hommes qui ne sait ni connaître la justice, ni aimer le