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et de la dépense inutiles, je vous le dis. Enfin, les mères sont comme ça !

Elles revinrent chez elles, presque suffoquées sous le poids de leurs larmes et de leur fardeau.

— Mon père avait raison, maman, dit Lucie, quand il nous assurait qu’il ne fallait rien demander à M. Grimaud.

— Ah ! ma fille ! c’est affreux ! Mais je ne sais plus ce que je suis devenue ; pour ma pauvre malade, je mendierais sur les chemins. Hélas ! moi qui avais tant de fierté !

En arrivant, elles trouvèrent Clarisse qui toussait et pleurait dans son lit. M. Bertin était couché : on l’entendait ronfler de l’alcôve.

— Ah ! vous êtes heureuses, vous, de pouvoir vous promener, dit la malade, tandis que je suis là souffrante et abandonnée.

— Chère sœur, dit Lucie, nous revenons du village chercher un panier de vin que l’oncle Grimaud t’a envoyé.

— Ah vraiment ! dit-elle, adoucie et consolée.

Lucie ralluma le feu, déboucha une des bouteilles, et présenta bientôt à sa sœur une succulente rôtie, qui calma la pauvre malade, et lui procura le sommeil.

À dater de ce jour, Lucie veilla toutes les nuits dans sa chambre, jusqu’à deux et trois heures du matin, pour faire à la lueur d’une maigre chandelle les broderies les plus fines et les plus délicates. Elle se levait ensuite de bonne heure. Quelquefois elle avait les yeux bien rouges, la pauvre enfant, et pourtant elle ne gagnait pas trois francs par quatre nuits de veille.

Une nuit, elle entendit frapper aux vitres de sa fenêtre. Ce ne pouvait être que Michel ; elle éteignit sa lumière et ouvrit.

— Depuis trois nuits, je vois votre chambre éclairée, lui dit-il. Pourquoi cela ? ma Lucie, êtes-vous malade ?