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Bonjour, ma voisine ! et que la malade, se soulevant sur son fauteuil, tournait vers la visiteuse sa figure enfiévrée, animée d’un pâle sourire.

— Voulez-vous bien vous asseoir tout de suite, mademoiselle Clarisse. Pauvre petite ! Et comment êtes-vous ? Attendez que j’arrange cet oreiller. Vous êtes toujours bien portant, vous, monsieur Bertin, car on vous achèterait de la santé. Et vous, madame, toujours tourmentée, toujours ennuyée à cause de cette chère malade ! Que voulez-vous ? Ne faut-il pas se résigner à la volonté de Dieu ? C’est une épreuve, elle passera !…

— Mais asseyez-vous donc, mademoiselle Boc ; et qu’êtes-vous devenue ? on ne vous voyait plus.

— Vous m’aviez oubliée, dit la malade en prenant un air câlin.

À voir tant d’empressement pour une vieille femme sotte et vulgaire, on pouvait comprendre combien cette famille était dénuée de toute distraction. Quant à sa pauvreté, le plancher disjoint, le papier en lambeaux, la boiserie vermoulue et trouée, en disaient assez. Mais l’ordre et la propreté luttaient contre ces ruines. À défaut de papier semblable à celui de la tenture, qui d’ailleurs n’avait plus ni couleur ni dessin, on avait collé au-dessus de la boiserie des bandes de papier bleu en guise d’une large bordure. Sur la vaste cheminée de pierre, enguirlandée de sculptures, des tasses de porcelaine peinte se miraient dans une glace fêlée au cadre doré. Un buffet à deux corps en noyer ciré, des chaises de paille, une table à pieds tournés, une pendule à poids enfermée dans sa gaîne vernie, tel était l’ameublement, outre qu’au fond de la chambre une alcôve garnie de rideaux à franges, relevés par des patères, laissait voir deux lits à la duchesse en damas fané, lesquels, disait souvent Mme Bertin, avaient coûté bien cher dans le temps.