Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/432

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Non, mam’zelle Lucie. Mais qu’il n’en vaut guère mieux, l’innocent ; car voyez-vous, c’est un rude voyage à faire en charrette pour une créature de quatre jours.

— Quoi ! s’écria Mme Delbès, un enfant naissant ! mais c’est une barbarie ! Quelle raison vous oblige, ma bonne femme, à mener cet enfant si loin ?

— Que voulez-vous, madame, c’en est un qui porte la peine du mal qu’il n’a pas fait.

— Un enfant naturel ! dit Lucie en frémissant.

— Ah ! fit Mme Delbès, avec ce geste par lequel les femmes comme il faut savent exprimer l’horreur en même temps que la pitié.

Les cris de l’enfant devinrent si âpres que la sage-femme ouvrit sa cape et l’éleva sur ses bras afin de l’apaiser.

— Un bel enfant ! dit-elle d’un air étrange, et qui ferait honneur à tout le monde !

— Il a peut-être besoin de nourriture, observa Mme Delbès.

— Oh ! j’en ai bien là ! mais il n’en veut point. Sa mère lui a donné le sein pendant trois jours et ça l’a gâté. Voyez, dit-elle en présentant le biberon aux lèvres de l’enfant, qui détourna la tête en criant plus fort.

— Pauvre créature, s’écria Mme Delbès, c’est déchirant !

Lucie ne disait plus rien ; elle cherchait à retenir des larmes qui brillaient entre ses paupières.

— Ça sait déjà ce qu’il lui faut ! reprit là sage-femme, et ça ne comprend guère pourquoi ça ne l’a pas.

— Vous le conduisez donc aux Enfants-Trouvés ? reprit Mme Delbès. Et quand arriverez-vous ? quand pourra-t-il avoir une nourrice ?

— Eh ! madame, c’est la raison pourquoi il s’en sauve si peu de ces enfants-là. Dans cette carriole, au pas du