Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/430

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

demi-heure de plus avec ma mère chérie, dit-elle, et je ferai mes adieux aux lieux qui me sont le plus familiers.

Peut-être cette fantaisie plut-elle médiocrement à M. Gavel, car il fit d’un air aimable quelques efforts pour s’y opposer. Mais le moyen de refuser une demande si touchante et si simple.

C’était un jour d’automne tiède et brillant. Une végétation luxuriante couvrait la terre de larges ombres, piquetées de lumière. Le gazon reverdi se jonchait déjà de feuilles tombées, d’un jaune d’or ou d’un rouge éclatant. Les branches des pommiers se courbaient sous le poids des fruits mûrs, et sur les marges des chemins s’étalaient des touffes de bruyères fleuries.

La société s’était divisée par groupes : M. Bourdon, ses fils, Gustave et M. Bertin avaient pris les devants. Mme Delbès donnait le bras à Lucie. Derrière, venait assez lentement Aurélie, attachée au bras de Mme Bourdon, et accompagnée de sa belle-mère et de son mari.

— Quand viendrez-vous nous voir, mademoiselle Lucie ? disait Mme Delbès.

— Je ne sais, madame ; j’aimerais mieux vous revoir ici.

— Ah ! votre solitude est enchanteresse ; mais je tiens à vous faire connaître le monde.

— À quoi bon ? j’imagine le deviner un peu. D’ailleurs, vous ne m’en avez pas dit de bien.

— Soit ; mais si vous ne tenez pas à le connaître, il faut du moins vous faire connaître à lui.

— Est-ce bien conséquent ? dit en souriant la jeune fille.

— Eh ! mais, comment passerons-nous ? s’écrie tout à coup Mme Delbès.

Elles arrivaient en ce moment dans un chemin étroit et encaissé, bordé de haies d’aubépine et de grands ormeaux,