monial de la fête et des invités, ou bien, silencieuses, elles s’enfonçaient l’une et l’autre dans leurs rêves. M. Bertin faisait, comme à l’ordinaire, des plaisanteries à propos de tout, en regardant travailler ses filles. Il s’était bien assez inquiété les premiers jours. Qu’y pouvait-il faire ? D’ailleurs, il y avait encore au grenier du blé pour deux mois. Ce qui l’ennuyait seulement, c’était de voir Lucie toujours sérieuse, soit qu’elle essayât les belles robes de soie, dont le chatoiement faisait frémir Clarisse, soit qu’elle piquât de ses petits doigts légers le pantalon de son père, qui allait aussi bien, ma foi, disait le destinataire émerveillé, que s’il eût été bâti par un des premiers tailleurs de Paris.
Mais les repas étaient presque toujours mornes et silencieux, à moins que Mme Bertin ne vînt à soupirer quelque douloureuse maxime sur les changements de la fortune. C’est qu’on mangeait désormais dans des couverts d’étain. Une fois il arriva que la maîtresse Perronneau vint pendant qu’on était à table. Dès qu’on l’eut aperçue à l’entrée de la cour, Clarisse et Mme Bertin, se levant en grande hâte, emportèrent la table toute chargée dans la pièce voisine, en disant à Lucie de ranger les chaises.
— Est-ce que je vous dérange point ? dit la Perronneau, qui avait entendu ce remue-ménage.
— Pas du tout, s’empressa de répliquer, la bouche pleine, Mme Bertin, il y a un quart d’heure que nous avons fini.
Après le départ de la mairesse, il fallut réchauffer la soupe et les haricots.
Malgré la diligence de Lucie, on avait tant d’ouvrage qu’on dut se dépêcher la veille pour finir. Clarisse allait, venait, souriait et ne se sentait plus malade. Mme Bertin exprimait une centième fois son regret de ce que ses filles ne gardassent pas leurs robes de soie pour le lendemain