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je rendrais hommage à la vertu de ce jeune homme et à ses nobles sentiments, en mettant sa main dans celle de ma fille !

— Ta ta ta ta ! ma femme, ton cerveau fait trop de chemin ! Notre Lucie n’est pas mourante ; elle est un peu folle, voilà tout, et nous tâcherons de la guérir par un autre remède. Je viens justement de rencontrer Bourdon, et il m’a beaucoup parlé de Lucie. Vois-tu, ils l’auraient bien laissée se morfondre jusqu’à cinquante ans sans mari, si elle avait cette humeur-là ; mais, ma foi, la peur d’avoir un paysan pour cousin leur met la puce à l’oreille, et il m’a renouvelé la promesse d’envoyer Lucie au bal à Poitiers l’hiver prochain, en m’assurant qu’il ferait tout son possible pour lui trouver un parti convenable. D’abord, elle peut faire une conquête ; puis il y a toujours dans le monde quelque vieux garçon voulant faire une fin, et qui ne regarde pas à la fortune. Tiens, je voudrais être déjà en décembre.

— Et si elle refusait ? Elle a trop de cœur pour n’être pas constante, et…

— Bah ! laisse-moi donc ! Ce n’est pas possible. Si elle s’est avisé d’aimer ce godelureau, c’est qu’elle n’a jamais vu personne de convenable. Une fois qu’elle aura connu le monde, tu verras comme elle changera. Je la vois d’ici revenir toute penaude de sa sottise.

— Tu pourrais avoir raison, dit Mme Bertin. Le cœur humain est si fragile !

La santé revint à Lucie ; mais sa gaieté paraissait envolée pour jamais. La gaieté, c’est le parfum de notre santé morale, et le cœur de la jeune fille était fiévreusement troublé par le combat de ses affections. Autour d’elle, cependant, on se livrait à l’espérance. Clarisse, vivant dans l’attente du grand jour, s’entretenait constamment avec sa mère des toilettes, du banquet, du céré-