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Elle pleurait abondamment, le visage dans ses mains, quand un bruit l’effraya. Elle leva la tête, et tressaillit de joie, car Michel était devant elle. Lucie le croyait absent comme à l’ordinaire, mais il s’était réservé cette journée-là pour travailler chez sa mère, et déjà vingt fois il était venu jeter les yeux par-dessus la haie. Qu’avez-vous ; chère Lucie ? demanda-t-il d’une voix émue, et son œil expressif, doux et ardent, répétait cette question avec mille inquiétudes et mille tendresses !

Elle hésitait à lui répondre. Maintenant d’ailleurs qu’il était là, le chagrin s’était enfui ; elle n’avait plus que du bonheur. Mais il exigea qu’elle rappelât sa peine pour la lui confier, ne souffrit aucune réticence, et lui arracha mot par mot le détail de ses tourments. Sérieux et attentif, il la regardait avec une tendre sévérité quand elle essayait de lui dérober quelque chose. Après cette confidence, il tomba dans une sorte de prostration douloureuse, silencieux, le front dans ses mains, poussant de longs soupirs.

— Parlez ! parlez-moi, lui dit-elle ; c’est maintenant que je souffre. Auparavant, ce n’était rien. Doutez-vous de notre bonheur ? doutez-vous de mon amour ?

— De ton amour, dit-il, oh non ! si je n’y croyais pas, tout serait fini, et j’irais me casser la tête contre la première grosse pierre que je trouverais, sur mon chemin. Je ne puis pas bien vous dire ce que j’ai, Lucie ; mais c’est tout uniquement de vous avoir vue pleurer. Si tout le monde venait m’appeler fou et me montrer au doigt parce que je vous aime, je leur hausserais les épaules et n’y penserais même plus un quart d’heure après. Je comprends pourtant bien votre peine, ma Lucie ; elle me fait saigner le cœur, et je souffre à la rage de ne pouvoir vous emporter loin de ces gens-là. Tenez, je vois à présent ce qui m’angoisse le plus, c’est que peut-être j’aurai beau