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charmilles. Alors, j’ai sauté à terre sans réfléchir ; j’ai attaché Xanthe, j’ai franchi le mur, et me suis glissé derrière les massifs. Elle était sur un banc, le coude appuyé sur une branche, la tête penchée sur son bras, et de grosses larmes tombaient une à une sur sa robe de mousseline bleue. Cela m’a donné de l’audace et de l’espoir. Je me suis précipité à ses pieds. Elle s’est écriée : Votre conduite est déloyale, M. Bourdon. Retirez-vous, je ne veux plus vous entendre. — Non, lui ai-je dit, je suis fou de douleur ; je n’ai point voulu vous offenser ; mais vous pleurez, vous êtes malheureuse, écoutez-moi !…

— Je n’ai jamais menti, a-t-elle dit avec hauteur ; puisqu’il faut vous le répéter, je ne vous aime pas, et votre présomption a tort d’espérer avantage d’une faiblesse passagère. Ce que je déplore, ce n’est point de vous perdre, c’est d’être condamnée par le sort. — Alors je l’ai suppliée de prendre pitié d’elle-même, de ne pas renoncer à l’amour, à la vie ! Je lui ai promis le dévouement, le respect le plus absolus ; mon cœur parlait tout seul, et disait des choses qu’il ne m’avait pas encore dites à moi-même. Une fois, j’ai vu dans son regard un éclair, quelque chose… il m’a semblé qu’elle allait m’aimer… puis rien !… Elle s’est encore grandie d’une plus haute fierté. Maintenant, j’ai perdu tout espoir, Lucie, je suis malheureux à jamais.

— Non, cher Émile, tu te consoleras, puisqu’elle ne t’aime point. Ah ! savoir qu’un être aimant souffre à cause de nous d’une douleur éternelle, voilà le seul malheur complet !

— Mais qu’as-tu donc, toi-même, chère cousine ? On ne m’a pas répondu quand je l’ai demandé. Tu étais évanouie, tout le monde éperdu ; ton père se faisait des reproches… Confie-moi tes chagrins à ton tour.

Elle hésita d’abord, puis en rougissant :