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Ils s’embrassèrent en sanglotant.

Mme Bertin, je ne sais pourquoi, emmena Clarisse, les laissant ensemble.

— Ah ! ma pauvre cousine, oui, je suis bien malheureux ! J’ai appris leur malheur dès le lendemain, et je suis venu de suite, au galop d’un cheval. Si tu savais comme ma mère m’a reçu ! mais mon père est bon, il s’est laissé toucher, et sans me rien promettre, il a demandé que je fusse assuré de son consentement à elle. Alors je suis remonté à cheval, et un quart d’heure après j’étais à Parmaillan. Elle était seule ; j’ai eu bien de la peine à obtenir d’entrer. Enfin, je l’ai vue, pâle, majestueuse, un être au-dessus de ce monde, Lucie, plus grande encore après son malheur. Moi je tremblais, je ne sais trop ce que j’ai dit, et puis je me suis mis à genoux. Elle s’était levée : Il serait cruel, dans l’état où vous êtes, m’a-t-elle dit, de vous renvoyer à mon père et de vous leurrer d’une minute d’espoir. Sachez que notre union est impossible, monsieur Émile. Après le malheur qui nous a frappés, je suis la même qu’auparavant. Je vous estime et je vous plains ; mais malheureusement je ne vous aime pas, et quand je vous aimerais, ma réponse serait la même, nos destinées ne peuvent se confondre.

— Pauvre fille ! dit Lucie. Elle ne serait pas moins noble, Émile, si elle avait plus de cœur.

— Ah ! ne l’accuse pas ! Je suis désespéré, la vie n’a plus rien à m’offrir ; mais je ne l’accuse pas, Lucie. Elle a cet orgueil dans le sang ; elle se sacrifie ; elle souffre comme un martyr pour sa foi. Écoute : elle m’a laissé, je suis parti ; mais je ne pouvais pas m’éloigner ; chaque pas de mon cheval m’arrachait le cœur, et je longeais le parc, en retenant sans cesse Xanthe qui se cabrait. Comme il m’enlevait ainsi, j’ai aperçu Mlle de Parmaillan par-dessus le mur du parc ; elle marchait lentement sous les