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ront nous retirer de cet abîme de trouble et de douleur ?

– J’ai bien peur que nous n’y restions ! disait M. Bertin.

Clarisse pleurait en silence, et une toux sifflante et âpre, plus éloquente que des paroles, déchirait sa poitrine. À l’invocation de Mme Bertin nulle voix ne s’éleva pour répondre : Aide-toi, le ciel t’aidera. Le populaire adage vint pourtant comme un génie familier danser autour du cerveau de Lucie, mais elle n’osa lui prêter sa voix pour le faire entendre, sûre qu’il ne serait pas compris.

La visite de l’huissier chez les Bertin avait fait grand bruit dans le village. Le soir, à peine fut-elle retirée dans sa chambre, que Lucie entendit frapper à sa fenêtre. Elle ouvrit.

— Vous avez eu de la peine aujourd’hui, lui dit Michel.

— Ah ! vous avez appris ?

— Oui, ma chérie, si bien que j’ai eu plus de peine que jamais de n’être pas votre mari. Ces choses-là, Lucie, ne vous arriveront point avec moi. Mais ça ne peut pas être que je vous aime, que vous m’aimiez, que nous soyons promis, que je sois fort et vaillant, et que je ne puisse pas vous porter secours dans un mauvais moment, est-il pas vrai, ma Lucie ?

Son accent était ému, insinuant, timide, comme lorsqu’il implorait une grâce sous forme d’un baiser.

— Eh bien ? demanda-t-elle, en l’entourant de son bras, comme si elle eût craint qu’il ne se laissât tomber.

Mais elle avait tort ; Michel auparavant était plus solide.

– Eh bien, reprit-il, puisque dès maintenant, Lucie, vous vous regardez comme ma femme, vous me l’avez dit… bien sûr, ma Lucie, que si j’avais un grand besoin d’argent, vous m’en prêteriez…