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Elles s’embrassèrent et pleurèrent ensemble. Plus calmes après :

— Écoute, dit Lucie, je te jure que je n’ai pas voulu être aimée de Michel, ni l’aimer. Dans le commencement, je désirais, au contraire, qu’il devînt ton mari, et je lui en parlai même, un soir…

— Vous avez mal fait ! interrompit Gène, qui rougit de fierté. Qui vous a dit que je le voulais ? Dieu merci, les amoureux ne manquent pas à notre porte.

— C’est parce que je trouvais que tu étais la seule digne de lui ; mais je ne le flattai point d’être écouté, chère Gène. Il ne m’est jamais arrivé de dire une parole sur toi dont tu puisses être mécontente.

— Tenez, je le sais bien, vous valez mieux que moi, répondit la jeune paysanne. Oui, chère amie, c’est vrai, j’aurais voulu qu’il m’aime, et quand même je le voyais amoureux de vous, j’y pensais encore, n’ayant point idée que ça pût durer. Eh bien, à présent, Lucie, je vous fais serment que Michel ne me sera plus qu’un frère. Ça me semble impossible pourtant que vous vous mariiez avec lui ; mais c’est égal, ça suffit, et dès la première fois que Cadet Mourillon vient chez nous, je lui dis oui tout de suite. Après tout, le pauvre gars me faisait de la peine, et ça me sera une consolation de lui faire son bonheur.

Elles tressaillirent tout à coup. On les appelait. Écartant le feuillage, elles virent en haut de la prée M. Bourdon avec M. Bertin.

— Que vient faire ici mon oncle ? dit Lucie. Allons ! mais j’ai les yeux rouges, n’est-ce pas ?

— Oui bien ; et moi, mam’zelle Lucie ?

— Toi aussi.

S’agenouillant au bord de la fontaine, elles y rafraîchirent leur visage, et, après s’être encore embrassées, elles remontèrent à la maison.