jeune paysanne en se levant éperdue. Ça n’est pas vrai ! ça ne peut pas être ! Vous ne pouvez pas être folle comme ça !
— Tu vas donc me faire souffrir aussi, toi, dit Lucie. Voyons, rassieds-toi. Tu sais que je t’aime beaucoup, et tu m’aimes toujours, n’est-ce pas ?
Gène, pour toute réponse, embrassa convulsivement son amie.
— Puisque tu comprends bien pourquoi nous nous aimons, quoique tu sois une paysanne et moi une demoiselle, comment ne comprends-tu pas que je puisse l’aimer aussi ?
— Oui ! oui ! d’amitié ; mais pas…
— Et qu’ai-je donc de plus précieux que mon âme ? s’écria-t-elle. Et si je la lui donne, pourquoi ne lui donnerais-je pas toute ma vie ?
— Pourquoi l’aimez-vous, dit en relevant son visage baigné de larmes Gène, dont pour la première fois les doux yeux flamboyèrent sous leurs longs cils, pourquoi l’aimez-vous, puisque vous ne pouvez pas être sa femme ?
— Je serai sa femme, répliqua Lucie.
— Ça ne se peut pas ! ça ne se peut pas ! Vous êtes folle de songer à ça. Tout le pays en rirait, et vos parents en mourraient de chagrin !
Lucie pâlit.
— Gène, tu ne m’aimais pas ! dit-elle d’une voix-altérée.
La jeune paysanne, se jetant sur elle, la prit brusquement dans ses bras :
— Vous me tordez le cœur, et vous ne voulez pas que je crie ! Vous savez bien que je vous aime. Si je ne vous aimais pas, il y a longtemps que je vous détesterais ! Voyons, chère amie, regardez-moi.