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car elle me dérobe à la mauvaise humeur de cette pauvre Clarisse, tout affligée de perdre son jour de plaisir. Dimanche dernier, maman avait la migraine, et j’étais censée rester à cause d’elle ; mais maman ne peut pas avoir la migraine tous les dimanches, et l’on ne veut pas me laisser traiter ostensiblement en réprouvée, ni me forcer à supporter les dédains de ma tante et de ma cousine.

— Qu’est-ce qu’elles ont donc contre vous ? demanda Gène.

— Tu le sais, dit Lucie, en regardant son amie dans les yeux, tu sais cela aussi bien que tout le reste.

— Eh bien, oui ! et j’ai trop de chagrin à cause de vous, s’écria Gène qui fondit en larmes.

Elles étaient proches de la fontaine. Lucie entraîna son amie sous la voûte des églantiers, où elles s’assirent tout près l’une de l’autre, sur la mousse longue et jaunie.

— Voyons, que penses-tu de moi ? demanda Mlle Bertin, en appuyant sa tête sur le sein de la jeune paysanne.

— Je pense, chère amie, que vous ne pouvez rien faire de mal, et si vous saviez comme j’ai traité ceux qui disent…

— Qui disent ?… répéta Lucie.

— Oh ! vous le savez ! ne me faites pas répéter de pareilles mauvaisetés. C’est bien assez d’avoir été obligée de les entendre.

— Des mauvaisetés ! dit Lucie. Est-ce qu’à ton avis ce serait me faire injure que de supposer que j’aime un des plus nobles êtres qui soient au monde ?

Gène devint toute tremblante. — Non point quant à l’amitié, mam’zelle Lucie, puisqu’il la mérite bien ; mais les gens n’ont pas honte de dire… que… que vous êtes son amoureuse, quoi !

Lucie rougit. — Eh bien ! c’est vrai, dit-elle.

— Qu’est-ce ?… qu’est-ce que vous dites ? s’écria la