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La jeune fille entoura de ses bras la tête de Michel, et, à son tour, elle pleurait en l’embrassant.

Revenue dans sa chambre, elle se dit : À présent, que m’importent les railleries et la calomnie du monde ? La plus heureuse des fiancées, la plus orgueilleuse, c’est moi !

Ils se revirent le lendemain soir, à la fenêtre de Lucie. Mais, en lui parlant sagement du danger d’être découverts, du soin de sa réputation à elle, et de la ligne de conduite persévérante et habile qu’ils avaient à suivre, elle obtint de Michel qu’il renoncerait à ces entrevues nocturnes. Peu à peu, comme elle l’avait prévu, la surveillance de ses parents se relâcha ; M. Bertin redevint expansif et familier comme d’habitude envers Lucie. Plus constante et plus inquiète, Mme Bertin pourtant n’était pas un Argus bien redoutable, et quelquefois, le soir, les deux amants pouvaient échanger à la hâte leurs sentiments, leurs espérances, un serrement de main, quelque baiser.

Puis, tous les dimanches, à l’église, ils faisaient leur prière en se regardant.

On avait tant causé de cet amour à Chavagny que le sujet en était presque épuisé déjà. Mais la malignité publique n’en était pas moins active et prête à saisir toute occasion. Nul n’abordait Lucie qu’il n’eût dans les yeux un sourire insultant, ou sur les lèvres quelques grosses plaisanteries, soi-disant détournées, à lui assener. On oubliait qu’elle était bonne et qu’on l’avait aimée. La haine du vice et une indignation vertueuse emportent si irrésistiblement les hommes ! On pensa généralement qu’elle était la maîtresse de Michel. Beaucoup l’affirmèrent, et haussaient les épaules à ceux qui en doutaient Mais personne n’imagina qu’ils songeassent à se marier.

C’étaient de pareils bruits qui, venus jusqu’à Michel,