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Il fallait bien que le pauvre garçon n’eût pas la tête à lui, puisqu’il ne sut pas deviner pourquoi la petite main de Lucie était tremblante.

— Lucie ! balbutia-t-il, mam’zelle Lucie ! Ah ! merci de votre amitié ! J’aimerais mieux être mort que de ne l’avoir plus ; mais… Adieu ! s’écria-t-il tout à coup, en s’arrachant de la place où il était. Ah ! Lucie ! Lucie ! Adieu !…

Il s’éloignait éperdu, quand elle s’écria :

— Michel ! vous ne voulez pas m’entendre. Vous ne comprenez pas !… Mais vous êtes fou, Michel !…

Il revint sur ses pas ; il la regardait avec trouble. Elle, immobile, tremblait de pudeur et d’émotion. Au bout d’un instant, il porta la main à son front en disant :

— Ah ! je suis fou ! Que vouliez-vous me dire, mam’zelle Lucie ?

Elle attendait un peu d’aide ; cette question la déconcerta. Alors, arrachant un des clous rouilles et branlants qui soutenaient autrefois les bois vermoulus du bosquet, elle se mit à tracer des caractères sur le banc où elle était assise. Il s’avança pour voir. — Attendez ! lui dit-elle. Un instant après, elle se leva et s’enfuit, pas si vite pourtant qu’en ouvrant la porte du jardin elle n’entendît un cri d’ivresse qui la fît s’arrêter en portant la main à son cœur.

— Eh bien ! qu’as-tu donc ? lui demanda sa mère qui se trouvait dans la cour.

— Oui, maman ! répondit-elle, et, reprenant sa course, elle alla s’enfermer dans sa chambre, où, s’asseyant, la tête dans ses mains, elle tâcha d’apaiser son cœur qui battait à rompre sa poitrine, et d’éteindre un peu le feu de l’enthousiasme et de l’amour qui brûlait son visage.

— Mon Dieu ! murmurait-elle, frémissante et heureuse, mais je suis à lui à présent ! Sur le banc, Michel avait lu : — Michel, moi aussi je vous aime !