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souci des enfants qu’elle mettrait au monde. Et plus elle blâmait son imprévoyance, plus elle sentait d’indulgence et de pitié pour Lucie. Amour ! cruel amour ! disait-elle en levant ses mains vers le ciel. Quoique surannée dans son expression, la douleur de la pauvre femme n’en était pas moins vraie, et ses larmes n’en étaient pas moins amères.

Vers quatre heures, elle s’inquiéta de ce que Lucie n’avait fait encore aucune promenade, elle à qui le grand air était si nécessaire. Aussi, malgré sa migraine, emmena-t-elle sa fille au jardin. Les yeux rougis de Lucie et sa voix brisée témoignaient de sa souffrance ; pourtant, simple et douce comme toujours, elle s’occupa de ses plantes avec sa sollicitude ordinaire : les pois à fleurs avaient besoin d’appui ; les plus belles giroflées se mouraient faute d’eau. Saisissant l’arrosoir, elle courut à la fontaine. Mme Bertin, incapable de la suivre, et plus encore de la contrarier, alla reposer sur un oreiller sa tête malade.

Quand Lucie revint avec l’arrosoir, elle se vit seule au jardin. Seule !… Peut-être ? Elle courut au bosquet.

Il était bien là ! Mais le regard rayonnant de la jeune fille s’éteignit aussitôt. Jamais elle ne l’avait vu si triste, si accablé !

— Qu’avez-vous, Michel ? lui demanda-t-elle.

— Ah ! mam’zelle Lucie, j’ai tout ce qu’un homme peut avoir quand il est bien malheureux. Je suis résolu de vous quitter.

Elle pâlit en s’écriant : — Me quitter ! partir ! non, ce n’est pas possible, Michel !

Mais elle comprit que c’était vrai en voyant des larmes silencieuses et abondantes couler sur le visage du jeune homme.

— Et pourquoi partiriez-vous, Michel ?