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yeux sa coiffe mal attachée, fixa par une épingle un lambeau flottant de son tablier, prit ses sabots dans sa main, et se mit à courir si vite que sa tête était d’une seconde en avance sur ses talons.

Pendant ce temps, Mlle  Boc ayant repris son tricot murmurait entre ses dents : — À moins que le mariage ne soit arrêté ? Moi, j’ai toujours dit qu’il se ferait ; je le soutenais hier encore à M. le curé. Vraiment, je suis bien curieuse de savoir… Est-ce qu’elle ne va pas revenir bientôt, cette petite ? Oh ! non. Elle restera là-bas à regarder et à causer jusqu’à demain, pendant que je suis là, moi, sur des charbons ardents… Cette enfant n’est qu’une ingrate et un mauvais cœur. Oh ! la triste espèce !… Rien ne peut corriger cette créature-là, non, rien ! Aussi faudra-t-il que je la chasse une dernière fois, et qu’elle aille mourir de faim chez ses parents. Oui, oui, soyez trop bon, le loup vous mange ; l’ivraie n’a jamais produit de bon grain ; il vaut mieux arracher la mauvaise herbe avant qu’elle soit grande : car je me connais, moi, je suis trop sotte, je m’y attacherais, et cependant elle ne me payerait que d’ingratitude…

Elle s’entretint de la sorte jusqu’au retour de Francille, qui revint légère comme le vent, portant toujours ses sabots à la main. La vieille fille l’accueillit avec de grands cris en lui reprochant d’user ses bas.

— Il y a huit jours qu’ils n’ont plus de semelles, allégua la petite en montrant le dessous de ses pieds.

— Vous êtes un monstre ! vociféra Mlle  Boc ; mais, se ravisant aussitôt : — Voyons, dis vite, qui est-ce qui était dans la voiture ?

— Pardine ! ceux que j’avais dit : mam’zelle Aurélie, M. l’ingénieur, M. Bourdon et Mme  Bourdon. La Mariton me l’a dit, et puis je les ai encore vus tous ensemble dans la cour.