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Mais alors elle pensait à Michel. Au milieu des ténèbres d’erreur et de vanité folle qui l’enveloppaient, ce rayon d’amour et de certitude l’éclairait et la consolait.

Toutefois ses pensées étaient à l’inquiétude plus qu’à la réflexion. Assise à sa fenêtre ouverte, elle écoutait et regardait à travers l’ombre dans le jardin, tremblant que Michel ne vînt et ne fût rencontré par son père qui allait et venait dans l’ailée à grands pas, heureusement peu soucieux de faire du bruit, car il soufflait bruyamment, et de temps en temps il se parlait à lui-même. La jeune fille se sentit rassurée par ces allures. Certes, son père ne songeait pas à exécuter sa terrible menace. Quoiqu’il fît nuit, elle distinguait à ses mouvements qu’il n’était pas armé. D’ailleurs Michel n’était pas un étourdi ; la présence de M. Bertin lui donnerait à penser. Il se tiendrait caché derrière la haie, sans doute, jusqu’à l’heure où il désespérerait de voir Lucie. Et qui sait ? peut-être y était-il déjà quand M. Bertin avait couru pour le surprendre ? Peut-être avait-il entendu ?

Mais prompt et gouverné par le sentiment comme l’était Michel, il pouvait devenir bien téméraire sous l’empire d’une inquiétude. Afin de lui montrer où elle était, et qu’elle n’était point malade, elle éclaira sa chambre, et passa plusieurs fois entre la fenêtre et la lumière. Quelque temps après, elle éteignit pour faire croire qu’elle était couchée, puis elle rouvrit doucement sa fenêtre, et prêta l’oreille de nouveau. Alors elle entendit la voix de sa mère qui pressait M. Bertin de rentrer. Cette voix plaintive et entrecoupée, dont le vent de la nuit lui apportait les sons, fit plus de mal à la pauvre fille que les rugissements de son père. Elle saisit çà et là ces mots : L’abîme de notre malheur !… Lucie est incapable… tu lui parleras demain… tu lui fais tort… Les Touron nous épient… dix heures…