nous sommes, ce mariage, malgré tout, serait un avenir pour toi. Et si tu n’as pas d’autre inclination… Elle regarda fixement Lucie qui rougit beaucoup. Elle aime son cousin ! J’en étais sûre ! pensa Mme Bertin. Ah ! ma chère fille ! dit-elle en l’embrassant, tu n’as point affaire à des parents cruels ! Et, quoi que tu décides, le vœu de ton cœur sera respecté !
Clarisse était livide et sombre. Elle ne parlait pas ; mais la contraction de ses traits et la rougeur des pommettes de ses joues décelaient le travail intérieur du mal qui la rongeait. Quelque vulgaire et presque offensante que fût pour sa sœur l’offre de ce mariage, elle n’avait jamais eu rien de semblable à repousser.
Ils allèrent comme de coutume passer l’après-midi chez les Bourdon. Après le dîner, M. Bertin devait retourner chez lui pour recevoir Gorin, et lui transmettre le refus de Lucie.
Au logis, ils trouvèrent Mlle Boc qui rayonnait. Elle embrassa Lucie et l’appela vingt fois ma mignonne. Mme Bertin se crut obligée à plus d’aménité qu’à l’ordinaire envers Mlle Boc, afin de la dédommager d’avance de la déception qu’elle allait partager avec son cousin. On évita de s’expliquer. Mme Bourdon, par moments, regardait Lucie d’un air froid et méprisant.
Aussitôt après le dîner, M. Bertin s’esquiva. On fit quelques tours de jardin ; on s’assit une demi-heure sous les arbres, puis, comme la fraîcheur du soir était pernicieuse pour Clarisse, les dames Bertin retournèrent chez elles à la nuit tombante. En approchant du cimetière, elles aperçurent au bout du chemin M. Bertin qui marchait à grands pas, comme impatient de leur arrivée, et qui, en les voyant, leur tourna le dos, et revint à la maison. Quand elles passèrent devant les Touron, assis au seuil de leur porte, elles les entendirent chuchoter entre eux.