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— Non ! répondit-elle en tremblant.

— Non ! vous dites non ! Pourquoi ça ? Dites-le moi…

Peut-être le lui eût-elle dit tout bas, s’il eût été plus près d’elle ; ou du moins, elle eût penché son visage confus sur l’épaule de Michel, et, sans doute alors, il eût deviné, quand même elle n’eût rien dit. Mais ces mots terribles : parce que je vous aime, avaient deux pas à faire tout seuls avant d’arriver à lui, et le silence était là pour les entendre. Elle ne trouva pas de voix pour répondre, et Michel n’insista pas.

S’il avait fait jour, dans ces moments-là, rien qu’à se regarder pourtant, ils se seraient compris.

Elle le comblait de bonheurs qu’il subissait en silence, n’osant ni se plaindre, ni laisser éclater son ivresse ; et il n’eût pas su lui-même qui de la souffrance ou de la joie déchirait le mieux son cœur. C’étaient les plus doux mots d’affection ou d’estime, des confidences, des taquineries charmantes, pleines d’égalité. L’occasion arrivait souvent ; lui ne la voyait pas ou la fuyait ; elle, qui l’avait appelée, toute saisie de la voir, fermait les yeux, et l’occasion passait.

Une fois, confiant à Michel sa peine à l’égard de Clarisse, dont l’humeur et la santé empiraient chaque jour, elle prit dans ses deux mains la main robuste de son jeune ami, et tout en continuant de parler, elle la tenait ainsi doucement. Bientôt, elle sentit la main de Michel se retirer ; elle osa la retenir à son tour.

— Laissez-moi ! dit-il brusquement.

Elle se sentit envie de pleurer, et ne trouva rien à dire. Pourtant, c’était bien trop fort !

Le dimanche matin, après avoir fait sa toilette avec coquetterie, elle courut au jardin et cueillit une belle rose en passant dans l’allée. À peine était-elle près de la haie, qu’elle aperçut Michel de l’autre côté, un livre à la main. En se voyant, ils rougirent tous deux.