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mais elle détournera les yeux de l’insulte pour contempler dans son âme son amour et sa foi. Sous l’empire d’une conviction profonde, le courage n’est plus qu’un instinct, sauf pour les lâches. Mais un lâche croit-il ardemment ?

Lucie était pleine d’enthousiasme et de joie. Elle reprenait possession de la vie, et son bonheur à elle était en même temps celui de Michel. Seulement elle n’était pas libre ; de grandes difficultés lui barraient le chemin ; mais elle espéra de les surmonter.

Il s’agissait de faire consentir M. et Mme Bertin au mariage de leur fille avec un paysan. À première vue, cela était impossible. En y regardant bien, en analysant, avec une perspicacité qui lui vint subitement, le caractère de ses parents et les misères de leur existence, Lucie espéra de parvenir à son but avec beaucoup de persévérance et de temps. Mettrait-elle Michel dans la confidence ! Pourquoi lui voler ce bonheur ? Elle trouvait déjà son secret lourd à porter. Quelle force d’ailleurs n’y gagneraient-ils pas quand ils pourraient converger tous deux au même but et combiner les moyens de l’atteindre ! Puis, en pensant à l’ivresse de Michel quand elle lui dirait : Je vous aime, elle sentait son sœur défaillir.

Mais si l’amour et la raison ne pouvaient triompher de l’orgueil ? si tous les arguments et toutes les prières venaient échouer contre une opiniâtreté stupide ? Lucie ne le crut pas. D’ailleurs, se dit-elle, dans ce cas même, il vaudrait mieux être deux pour souffrir et se résigner. Seul, ne souffrirait-il pas davantage, puisqu’il m’aime !

Rompre avec ses parents pour épouser Michel quand même, elle n’y songea pas. N’allaient-ils pas perdre leur fille aînée ? Ils étaient si malheureux dans leur misère enjolivée d’orgueil ! Ils avaient bercé de tant de douceur et de mansuétude l’enfance et la jeunesse de Lucie !