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déjà la cour. Sans doute M. Bourdon, malgré sa colère, avait jugé prudent de ne pas donner plus d’éclat par son intervention à cet incident si net, si inattaquable et si foudroyant. Lucie, profondément émue, avait suivi machinalement Aurélie ; mais au bout de quelques pas, elle rougit de rester en compagnie de ceux qui injuriaient Michel pour sa noblesse et pour son courage, et elle s’arrêta, laissant passer devant elle ceux qui la suivaient.

— C’est une indignité, mes chers messieurs, disait Mlle Boc. On aurait dû mettre ce drôle à la porte. Quel effronté !

— Ma foi, c’est un gaillard qui n’a pas froid aux yeux ! répondit M. Bertin. Et le prêtre ajouta :

— Voilà les gens du siècle ! il n’y a plus d’autorité !

— Est-ce que tu retournes à la maison, Lucie ? demanda M. Bertin.

— Oui, papa, répondit-elle.

— Hein ! qu’en dites-vous, ma chère demoiselle ? lui cria la Boc à bout portant.

— Je dis qu’il a beaucoup de cœur, de courage et de dignité, répondit héroïquement Lucie.

— M. Gavel ? Je le crois bien ! Un autre aurait sauté sur ce petit misérable à coups de pied, et…

Mlle Boc s’interrompit en voyant que déjà Lucie était à dix pas, et se hâta de rejoindre M. Bertin et M. le curé pour leur achever sa phrase. Ils avaient tous disparu de la cour, lorsque Lucie, le cœur gros d’une émotion enthousiaste, arriva près de Michel. Il était encore un peu pâle, mais il avait repris son ton habituel, et disait à ses compagnons qui, tout émerveillés, l’entouraient :

— Assez causé, remettons-nous à l’ouvrage, et puisque vous trouvez que j’ai bien fait, à l’occasion faites-en autant. Comme ça, il n’y aurait peut-être pas tant d’orgueil chez les vauriens.