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En même temps, avec une aisance et une noblesse qui l’édifiaient lui-même, il tendit la main au jeune paysan.

Michel pâlit, fronça légèrement les sourcils et laissa pendre sa main immobile à son côté.

— Michel ! s’écria d’un ton de colère M. Bourdon.

— Eh quoi ! vous me refusez ? dit Gavel stupéfait.

— Oui, M. Gavel, dit le jeune paysan sans élever la voix, mais si nettement que tout le monde entendit ; je ne peux pas vous donner la main, parce que je ne fais cette amitié-là qu’aux honnêtes gens.

— Ce jeune homme est fou ! s’écria Gavel plein de trouble, en se rejetant vivement dans le groupe des bourgeois. Oui, ce jeune homme est fou ! répétait-il éperdu, sans pouvoir reprendre possession de lui-même, tant l’avait étourdi un coup si imprévu.

— C’est plus que de la folie, dit Aurélie très-émue, c’est une horrible insolence ! Et que peut avoir à vous reprocher ce misérable paysan ?

— Vous savez, répondit Gavel, si pâle qu’il devait faire des efforts pour se soutenir, et qu’Aurélie n’hésita pas à lui offrir son bras, vous savez… ce guet-apens… dans la forêt, pour m’extorquer de l’argent, sous un odieux prétexte… M. Bourdon vous a raconté cela.

— Ah oui ! dit Aurélie dont la figure s’assombrit.

— Eh bien, j’ai cru que Michel m’avait sauvé la vie ; mais sans doute il était de connivence avec les autres brigands ; en voilà la preuve, n’est-ce pas ?

— Ce que je ne puis comprendre, reprit Aurélie, c’est que vous et mon père ayez pu renoncer à poursuivre cette affaire. Il faut que ce misérable soit insensé ! proféra-t-elle avec un élan de haine, en se retournant vers Michel, dont elle était déjà loin ; car ils avaient marché, tout en échangeant ces paroles.

M. Bourdon et ceux qui l’accompagnaient quittaient