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reconnut aussitôt Michel, et laissant échapper une exclamation, il s’avança vivement vers lui.

La rencontre de ces deux hommes rappela immédiatement à tout le monde un drame trop récent pour être oublié. Les personnes qui entouraient Gavel s’arrêtèrent. Le paysan qui, debout sur sa charrette, engrangeait les gerbes, s’appuya, pour regarder, sur sa fourche de fer, et par la fenêtre de la grange une autre tête curieuse se montra. Sans bien savoir pourquoi, Lucie eut un serrement de cœur.

— Je vous dois une grande reconnaissance, Michel, dit M. Gavel, et j’espère que vous me mettrez à même de vous payer quelque jour une faible partie de ma dette. Vous avez refusé les propositions de M. Bourdon ; j’espère que je viendrai à bout de vous faire accepter les miennes.

Ces paroles étaient dites à demi-voix, et Lucie les devina plutôt qu’elle ne les entendit. Chacun, sans oser s’approcher, tendait l’oreille, et M. Bourdon, qui s’était retourné, paraissait inquiet et impatient.

— Vous ne me devez rien, monsieur, répliqua Michel, dont la figure s’était contractée d’une expression répulsive et fière ; j’ai fait ce que je devais faire, et personne n’a le droit de me récompenser pour ça.

— Venez-vous, Gavel ? dit M. Bourdon, qui se remit en marche, afin d’entraîner tout le monde. Vous causerez avec ce jeune homme une autre fois.

Mais une maladresse commencée doit s’achever inévitablement.

— Eh bien ! soit, dit Gavel, incapable de deviner les sentiments de Michel à son égard, et qui, ne connaissant ni le caractère, ni les habitudes des paysans, prit la rudesse de Michel pour une grossièreté native ; nous causerons de cela plus tard ; mais, en attendant, Michel, tenez-moi toujours et partout comme votre obligé.