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Tiens, voilà comment je m’y prendrai : je prierai ton oncle de nous céder une trentaine de bouteilles de son vin de Saintonge, en lui disant que tu rembourseras cela peu à peu sur le prix de tes broderies. Il n’aura pas le cœur de te faire payer.

Après un silence, elle ajouta : Il y aura demain au dîner beaucoup de biscuits et de gâteaux. Je prendrai de tout ce qu’on m’offrira, et je le glisserai adroitement dans ma poche. Tu devrais en faire autant, Lucie. Il n’y a plus que ces friandises qui donnent envie de manger à cette pauvre Clarisse. Je t’assure qu’en causant, personne n’y fera attention. Eh bien ! tu ne me réponds pas ?

— Oui, maman ! dit Lucie en détournant la tête, pour cacher des larmes brûlantes qui roulaient sur sa joue.

Le lendemain, comme les Bertin arrivaient tous les quatre au logis dans la première cour, appelée cour de la Ferme, ils rencontrèrent Michel conduisant un attelage. Il les salua du geste et de la voix. Mme Bertin et Clarisse passèrent sans le voir.

— Bonjour, mon garçon, dit M. Bertin, qui s’arrêta en voyant s’arrêter Lucie.

Elle n’avait pas voulu passer devant Michel comme devant le premier venu.

— Bonjour, Michel ! dit-elle en tournant vers lui son doux visage, rose d’émotion. Vous êtes donc ici en journée ?

— Oui, mam’zelle Lucie. J’y suis depuis huit jours. Je vas où l’on me demande.

— Eh mais, dit M. Bertin, est-ce que tu ne pourrais pas venir faire la moisson chez nous ? Voilà les blés qui jaunissent.

— Oui, M. Bertin ! de grand cœur ! à vot’ service quand vous voudrez.

— Bien ! bien ! dit le père de Lucie, qui n’était pas habitué à tant d’empressement ; car on se défiait du