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dire, s’il ne s’agissait pas entre eux d’une entente profonde et de projets d’avenir ?

Enfin, où conduisait-elle Michel, en secondant un amour qu’elle ne voulait pas accepter ?

— Ah ! que je suis lâche, s’écriait-elle. Je reconnais que l’opinion est injuste et mauvaise, et je m’y soumets. Je sacrifie ce que j’aime le plus à ce que je méprise. Hier, ma religion était l’amour ; aujourd’hui me voilà courbée encore devant l’orgueil, auquel je ne crois plus. J’osais prendre en pitié Mlle de Parmaillan, j’étais indignée ; cependant elle, qui est sincère, est bien plus forte et plus digne que moi.

Mais ce n’est pas de pureté, ni de droiture, ni de vérité qu’il s’agit pour conquérir les hommes. Il s’agit d’être la croyance officielle, rien de plus.

Peut-être ce qu’il y avait surtout au fond des hésitations de Mlle Bertin, c’était une lacune dans son amour et dans sa confiance. Elle n’avait pas été pendant vingt ans fille de la vieille bourgeoisie pour devenir tout à coup la fille seulement de l’humanité. Par moments, la blouse du paysan voilait un peu le front du jeune homme. Sans s’en rendre compte, elle avait peur de quelque vulgarité.

Puis l’orgueil vivait toujours. Elle se disait : Ah ! s’il était possible que demain, au su de tout le monde, j’eusse à refuser l’alliance de quelque Gavel, jeune, riche et beau, après-demain j’épouserais Michel.

La plupart des dévouements humains ne sont que l’achat coûteux d’une auréole.

Vers huit heures, la lune, éclairant largement le ciel, nuançait la terre de grandes lumières et de grandes ombres.

— Tu devrais te coucher, Lucie, plutôt que de sortir, puisque tu as été malade aujourd’hui.

— Mais je suis très-bien à présent, maman. C’est peut-