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— On se moque de l’opinion des sots, dit M. Bertin.

— Elle-même a horreur des mésalliances…

— Parce qu’elle est folle. Est-ce que tous les hommes ne sont pas de la même espèce ?

— Et sa famille n’y consentirait jamais.

— Sa famille n’a pas le droit de la fourrer au couvent, ni même de l’empêcher de se marier. Cette fille-là est créée pour être femme tout comme les autres ; malgré sa noblesse, elle n’est pas faite différemment. Parbleu ! à sa place, je m’arrangerais fort bien pour faire comprendre tout ça à M. de Parmaillan, et je lui en casserais la tête jusqu’à ce qu’il ait dit oui. N’est-ce pas assez qu’il l’ait ruinée, sans l’enterrer toute vive à présent ?

— Tu as horreur du couvent, dit Mme Bertin. Cependant c’est un asile…

— Bon pour ceux qui manquent de pain, reprit-il, et encore j’aimerais mieux voir mes filles ouvrières que de les voir s’enfermer là dedans.

— Eh bien ! cher papa, dit Lucie en l’embrassant, n’aie pas cette crainte, quant à moi, car tu as raison : le bonheur vaut mieux que l’orgueil. Je ne me ferai point religieuse.

— Ah çà ! qu’as-tu donc ? s’écria-t-il en la regardant avec une admiration de père, ta figure est éclairée comme d’un coup de soleil. On dirait qu’il vient de t’arriver quelque chose d’extraordinaire ?

— Oh ! rien, répondit-elle en s’efforçant de composer son visage. Elle se mit alors à parler de différentes choses avec une animation qu’elle n’avait pas depuis longtemps, et toute la soirée elle fut pleine d’entrain, en même temps que de douceur et de tendresse. Mais, aussitôt que la nuit fut venue, elle dit bonsoir à ses parents et alla se coucher la première, contre son habitude. Ce n’était point pour dormir.