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— Ce n’est pas une vocation, observa Lucie ; elle-même l’avoue. Mais c’est un parti pris, parce qu’ils sont ruinés.

— Ruinés ! s’écria M. Bertin ; certainement ! des gens qui ont eu cent mille livres de rente ; mais je m’arrangerais bien du reste ! Quand même les créanciers saisiraient le tout, il restera toujours à Mlle de Parmaillan les diamants de feu sa mère qui valent plus de deux cent mille francs, m’a-t-on dit. Et quand même elle les engagerait, par honneur, n’a-t-elle pas encore l’héritage assuré de Mlle de Poix, sa tante, qui, au premier jour, lui laissera, à elle en propre, tout au moins quatre-vingt mille francs. Porter tout cela au couvent, une jeune et jolie fille ! Du diable si j’y entends quelque chose. C’est tout bonnement de la folie, ou bien cette pauvre demoiselle est circonvenue par des intrigues de béguines.

— Elle agit de son plein gré, dit Lucie, et raisonne parfaitement. C’est toi, cher papa, qui ne saisis pas la différence de ses idées avec les nôtres. Tout est relatif, et Mlle de Parmaillan, qui ne peut se passer d’équipage et d’un grand nombre de serviteurs, se trouve aussi pauvre avec quatre-vingt mille francs que nous le sommes, nous, avec vingt mille.

— Quelle sottise ! s’écria Clarisse. Il faut vraiment que ces gens-là se croient d’une espèce différente de la nôtre, et certes ils méritent bien d’être punis par leur propre orgueil.

— Il est pourtant très-facile de vivre sans luxe, dit Mme Bertin. Le nécessaire assuré, de modestes plaisirs, les joies de la famille, les beautés de la nature, une âme sensible, que faut-il de plus pour la félicité ?

— Que n’épouse-t-elle un bon bourgeois, reprit M. Bertin. Sans son orgueil, elle pourrait être heureuse.

— Mais elle serait déchue aux yeux de sa classe par un tel mariage, répliqua Lucie.