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— Faites-vous déjà des prosélytes, sœur Isabelle ? dit Aurélie qui revenait.

— Non, mademoiselle Bertin abhorre le couvent.

— Ah ! dit Aurélie d’un accent qui exprimait une désapprobation si dédaigneuse qu’une rougeur monta au visage de Lucie.

Elle resta quelques moments encore, mais si distraite, que lorsqu’on lui parlait, n’ayant pas entendu, elle ne répondait que par un sourire vague.

— Qu’as-tu donc ? demanda Aurélie.

Elle s’excusa sur une migraine, et partit bientôt.

Sur la grande place, comme elle passait :

— Qu’est-ce qui vous rend si songeuse, mam’zelle Lucie, que vous marchez sur le monde sans les voir ?

— Ah ! c’est vous, Chérie, dit la jeune fille, en ouvrant les yeux de l’air dont on s’éveille, je ne vous voyais pas en effet.

Plus loin, Lucie aperçut la mère Françoise, qui filait, dans son pré, assise à l’ombre d’un poirier sauvage.

— Bonsoir, mère Françoise, dit-elle d’une voix émue.

— Eh ! bonsoir, mam’zelle, on ne vous voit plus ! Passez donc chez nous.

Mlle Bertin poussa la barrière du pré et vint s’arrêter un moment près de la paysanne.

— Vous filez de beau lin, mère Françoise !

— C’est des chemises pour mes gars, de belles chemises, dà. Ça sera pour leur trousseau de noces. Mais j’ai le temps, car ils ne songent ni l’un ni l’autre à se marier.

— Cela vous fâche ?

— Oui ben pour Michel, ça l’égaierait un peu. Il est comme ça chagrin, mais chagrin comme s’il couvait une maladie ; et qu’est-ce qu’il a ? Ne le sais. M’est avis pourtant qu’il commence à prendre des idées comme Isidore, des sottes idées, ma foi.