Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/338

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle me témoigne. Et je vous expliquerai franchement ma situation que vous ne comprenez point. Vous parlez, n’est-ce pas, de votre cousin ? M. Émile est digne d’être aimé d’une femme de son rang ; quant à moi, j’ai trop de fierté pour une mésalliance. Une femme s’abaisse ou s’élève selon l’homme qu’elle épouse, ne le savez-vous pas ? Or, je serais même trop fière pour condamner par mon alliance à une position inférieure un gentilhomme qui voudrait m’épouser malgré ma pauvreté. Le rang sans la fortune est une anomalie qui expose les hommes à méconnaître et à dédaigner des supériorités légitimes. Enfin, je ne veux pas vieillir dans le monde sans état et sans dignité. Le parti que je prends est donc le seul digne et le seul raisonnable. C’est un sacrifice, il est vrai ; mais qu’importe, si je puis dire, moi aussi : Tout est perdu, fors l’honneur !

— Et votre père ? dit Lucie.

— Mon père, mademoiselle, pense de même que moi à cet égard. Avec les débris de notre fortune, il pourra soutenir son rang mieux que si j’étais auprès de lui. Nous nous verrons quelquefois, et le sentiment du devoir accompli nous consolera.

Comprenant bien qu’une telle résolution ne pouvait être ébranlée par quelques paroles, Lucie ne répliqua point ; mais l’expression de son visage fut comprise de Mlle de Parmaillan, qui ajouta :

— Comment n’admettez-vous pas cela ? Vous-même, épouseriez-vous un ouvrier ? Pensez-y, mademoiselle Lucie, à différents degrés, nos situations sont les mêmes, et c’est pourquoi je vous parle avec cette confiance. Un jour, en vous rappelant cet entretien, vous sentirez que j’ai eu raison, et vous envierez peut-être mon asile. Écrivez-moi, s’il en est ainsi ; je me chargerai de votre admission.