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l’air de surprise hautaine qui dit si clairement : de quoi vous mêlez-vous ? Mais elle fut désarmée par le regard humide et sincère de la jeune fille, et reprenant son charmant sourire :

— C’est vous qui ne comprenez pas la situation, ma chère enfant.

— Vous vous élevez à une hauteur où peu de personnes pourront vous comprendre, dit Aurélie, mais où tout le monde vous doit admirer. Peut-être serez-vous plus heureuse que moi ? fit-elle avec un hypocrite soupir.

— Je ne suis digne ni d’admiration ni de blâme, reprit Mlle de Parmaillan, j’obéis à un mot d’ordre, et je suis un soldat fidèle… courageux peut-être, mais rien de plus. Ne savez-vous pas que, dans notre race, la tradition vient en aide à la faiblesse de l’individu ? Inutile dans le monde, je dois habiter le cloître, où m’attend après vingt-cinq ans le titre d’abbesse. J’embrasse un ordre peu sévère, et je pourrai entretenir des relations avec mes amis d’autrefois. Vous, madame, vous y viendrez peut-être me confier vos douleurs de femme du monde ; vous, mademoiselle Bertin, si vous ne vous mariez pas, vous m’y demanderez peut-être une place quelque jour.

Lucie ne répondit point. Elle était navrée de voir cette belle et charmante fille entrer en souriant, vivante, dans le tombeau.

À cet instant, M. Bourdon et M. de Parmaillan se montrèrent sur le perron, et M. Bourdon appela Aurélie pour chercher des graines qu’il ne pouvait trouver. Seule avec Isabelle, Lucie lui dit avec émotion :

— Vous pourriez rester dans la vie, si vous vouliez. Vous pourriez être heureuse et donner du bonheur. Vous êtes aimée, je le sais ; vous le savez aussi : pourquoi… ?

— Ma chère demoiselle, interrompit Isabelle, je ne m’offenserai pas de votre franchise, à cause de l’intérêt