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l’une ni l’autre cependant n’osa relever le mot qu’avait prononcé Clarisse. Lucie alla préparer au buffet un verre d’eau sucrée, mais la malade s’écria :

— Je n’en veux pas ! cette eau sucrée m’est odieuse ! elle me fait mal au cœur maintenant.

— Elle te rafraîchirait, dit timidement Lucie.

— Je te répète que je n’en veux pas ! reprit Clarisse. Je ne sais pas pourquoi l’on insiste ainsi, je mourrais de soif plutôt que d’en prendre. Y a-t-il de la limonade à la fontaine ? Non, n’est-ce pas ? Eh bien, qu’on ne m’offre rien : je souffrirai sans me plaindre.

— Les deux citrons sont finis ? demanda Mme Bertin à Lucie.

— Oui, maman.

— Quand je vous répète que je ne veux rien ! s’écria la malade. Apparemment vous ne voulez pas jeter de l’eau sur ces écorces une quatrième fois ?

— Voyons, ne parle pas ainsi, ma pauvre fille. Ta tante peut bien nous donner d’autres citrons. Il y en a assez dans l’orangerie, n’est-ce pas, Lucie ?

Lucie rougit et ne répondit pas. Une minute après, cependant, elle se leva et monta dans sa chambre pour s’habiller. Puis elle partit pour le logis, triste et humiliée d’avance, mais se disant : Je porte cette peine, afin d’en éviter une à ma pauvre sœur.

Elle avait cette fois des bottines neuves que lui avait données son oncle.

En entrant dans la cour, elle rencontra Aurélie et Mlle de Parmaillan, qui sortaient de l’orangerie. Fort empressée vis-à-vis de la jeune comtesse, Aurélie accueillit négligemment sa cousine. Isabelle de Parmaillan se plut au contraire à confondre dans un même traitement les deux roturières de fortune inégale. Elle fut même plus prévenante pour Lucie, dont elle aimait la simplicité.