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rien dit. Eh bien, madame Bourdon, c’est fâcheux qu’on ne sache pas cela, voyez-vous, parce qu’alors cette petite Lucie trouverait tout de suite à se marier.

— Que voulez vous ? dit Mme Bourdon.

— Quoi ! vous ne connaîtriez pas un honnête jeune homme à qui on pourrait dire cela dans le tuyau de l’oreille ?

— Non, mademoiselle Boc, ce serait abuser de la confiance de mon parent, et d’ailleurs, je n’ai pas la main à faire des mariages, moi, ce ne serait pas du tout mon talent.

— Bah ! il suffit d’un mot dit à propos. Je m’en chargerais bien, moi ; mais il faudrait connaître quelqu’un. Eh !… ma foi !… le visage de Mlle Boc s’éclaira d’une expression hilarante, et se penchant de nouveau du côté de Mme Bourdon :

— Que diriez-vous… de mon cousin ?

Mme Bourdon sourit en répondant : Pourquoi pas ? Il y eut dans ses yeux voilés une expression de satisfaction rusée. Elle ajouta de ce ton pénétré qui, succédant tout-à-coup chez elle au sarcasme ou à l’enjouement, produisait un effet très-persuasif :

— C’est une idée ! ma voisine, une véritable idée ! M. Gorin n’est pas un homme à grandes manières, mais c’est précisément ce qu’il faut à Lucie, qui est une franche campagnarde. Elle a vingt ans, il en a trente ; ils sont de bonne famille tous deux ; reste à savoir s’ils peuvent se convenir.

— Je voudrais bien voir qu’ils ne se convinssent pas ! repartit la vieille fille d’un ton presque indigné. Une charmante fille comme ça ! un honnête garçon comme Frédéric ! Et qu’est-ce qu’ils voudraient de mieux l’un et l’autre ? Ça se fera, madame Bourdon, c’est moi qui vous le dis !