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fait de réputation, sans pourtant faire plus que des imprudences. Mais l’opinion publique, mademoiselle Boc, est inexorable, vous le savez.

— Et souvent bien injuste ! dit la vieille fille.

— Tout le monde le sait, tout le monde le dit, et tout le monde accepte pour bons ses jugements. On ne peut rien contre cela, voyez-vous. Tout le talent d’une femme consiste à captiver l’opinion ; toute la vertu d’une femme est de s’y soumettre. Je connais le moyen qui sauverait Lucie de ses propres sottises, mais… il est difficile !…

— Dites-le-moi, madame Bourdon. Quoi ? Voyons ! Moi je l’aime, voyez-vous, cette petite. Ah ! ça m’a fait une peine, ce que je vous ai confié ! C’est pourquoi je vous en ai parlé tout de suite, l’autre jour, puisque cela me pesait là, voyez-vous. Mlle Boc mettait la main sur son cœur.

— C’est à la fois le moyen le plus simple et le plus impossible dans l’état de fortune où est Lucie.

— Vraiment ! Quoi ? Vous voulez dire de la marier ?

— Vous avez deviné. Après tout, c’est une bonne personne, active, intelligente, habile, et qui serait parfaite dans ses devoirs, une fois épouse et mère de famille ; oui, et capable même par ses qualités de faire la fortune d’une maison !

— Vous avez raison, madame Bourdon, vous avez raison ! C’est une fée, je l’ai dit souvent. Elle n’est pas aussi aimable ni aussi bien élevée que Mlle Clarisse, mais elle a de grandes qualités. Ah ! c’est dommage ! Vous ne connaîtriez personne…

Mme Bourdon souleva légèrement ses épaules dodues :

— Vous savez bien qu’en notre siècle il faut de la fortune. Et quoique Lucie ait des espérances, on demande toujours du comptant.