Page:Leo - Un mariage scandaleux.djvu/318

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nous, et comme ils n’ont dans l’esprit aucune délicatesse, ils tirent de la moindre apparence les conséquences les plus odieuses. Quant à la légèreté de Lucie, il y a longtemps que j’en gémis. Entre nous soit dit, Mme Bertin n’a pas élevé ses filles ; elles se sont élevées elles-mêmes, chacune à sa manière. Heureusement pour Clarisse, elle avait un bon sens naturel…

— Hélas ! ma chère dame, elle s’en ira bientôt dans la tombe avec toutes ses qualités, la pauvre enfant !

— Je le sais, et cela me désole. M. Jaccarty a confié à mon mari qu’il n’y a plus d’espoir ! Mme Bourdon poussa un grand soupir et se remit à sculpter minutieusement une feuille d’acanthe à sa broderie.

— Avec ça qu’ils manquent de tout, ma chère dame, reprit Mlle Boc en baissant la voix. C’est une pitié véritable. La pauvre malade n’a pas ce qu’il lui faut. Lucie a beau se rougir les yeux à force de broder, ça ne suffit pas, vous sentez bien.

— Sans doute ! Mais il faut bien peu de chose à Clarisse. J’ai envoyé l’autre jour du bordeaux et quelques gâteaux. Elle y touche à peine.

— Oh ! je sais que vous êtes bien bonne pour eux ! Mais ce sont les remèdes qui les tuent, voyez-vous. Des gens qui ne savent pas du tout où prendre de l’argent. Il y a le cordonnier de Gonesse qui ne veut plus leur faire de souliers. C’est à ce point-là, ma chère madame Bourdon.

Celle-ci haussa les épaules.

— On est bien embarrassé, dit-elle, car avec cela ils ont un orgueil ! Aurélie jette ses souliers à peine déformés… Cependant, vous sentez que je n’oserais pas… Pour en revenir à Lucie, je vous assure qu’elle me cause beaucoup d’inquiétude et de souci. Je ne confie cela qu’à vous, ma chère demoiselle. Avec son esprit d’indépendance et son mépris pour le décorum, elle peut se perdre tout à