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Par le sentier qui vient des Gouffrières, un homme s’avançait. Lucie fut la première qui l’aperçut, et tout aussitôt elle se baissa comme pour cueillir un bouquet de trèfles d’eau ; quelques instants après en se relevant, elle vit Gène qui, moins prudente, avait les yeux attachés sur le sentier et les joues en feu.

— Mais, n’est-ce pas Michel ? dit Mlle Bertin.

— Oh ! vous le reconnaissez bien ! répondit Gène. Il vous cueillera les nénuphars, mam’zelle Lucie.

— Non ! Ils sont trop loin du bord. Puis cela le dérangerait de son chemin.

— Il peut bien faire ça pour vous ! répliqua la jeune paysanne, d’une voix dont la douceur habituelle ne se retrouvait plus.

Ne sachant que répondre, Lucie cassa machinalement un grand jonc, dont elle agita, sans l’attirer, la corolle d’un nénuphar.

— Bonjour, Gène ! bonjour, mam’zelle Lucie ! Est-ce que vous voulez de ces fleurs-là ?

— Oui, mais c’est difficile.

— On ne peut pas se mettre dans l’eau, la rivière est trop profonde. Gène, est-ce que le chalan n’est pas par ici ?

— Oui, là-bas dans ces joncs, dit la jeune paysanne, en étendant le bras. Mais ça va te détourner de ta route, Michel.

— Bah ! ai-je pas toute ma journée ? répondit-il. J’allais à la Roche voir Louis Vigeaud et Marie, que je n’ai pas rencontrés depuis leurs noces. Quand même ça serait pour une autre fois !…

Il courut au bateau, y monta et l’amena vers les jeunes filles.

— Vous aurez, mam’zelle Lucie, plus de plaisir à les cueillir vous-même, dit-il.