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toute maigrie. Votre broderie vous tue. Au lieu que des occupations comme les miennes ne vous donneraient que plus de santé, en même temps que plus de profit. Vous ne voulez donc pas aller à la rivière ?

— Mais si ! dit Mlle Bertin.

— Ah ! c’est que vous regardez toujours du côté du chemin. J’ai cru que vous vouliez retourner dans la futaie. Eh bien ! partons.

Elles descendirent le coteau, dont on avait fauché la partie supérieure, tandis qu’au bord de la rivière la prairie étendait encore ses flots verts, nuancés de toute couleurs par les trèfles, les amourettes, les chicorées, les caille-lait, les marguerites et les sauges. Arrivée sur la berge, Mlle Bertin jeta une exclamation d’envie ! Oh ! Gène, les beaux nénuphars !

Ils écartaient au soleil leurs blancs calices, au-dessus de ces grandes feuilles presque circulaires, d’un vert sombre, qui dorment avec volupté sur les eaux tranquilles. Plein d’herbes et de roseaux, vert et profond, le Clain coule silencieusement au travers des prairies entre des coteaux boisés pour la plupart, ou sillonnés par la charrue, quelquefois nus et percés de rochers. De distance en distance, un moulin rustique tourne sa roue sous l’écluse ; mais nulle usine bruyante ne trouble le calme de ces campagnes, et l’on voit seulement quelquefois, aux rampes solitaires des coteaux, quatre ou cinq mules chargées, conduites par le garçon du moulin, le don Juan du pays, qui marche en se dandinant, un bonnet de coton blanc posé coquettement sur l’oreille, et portant en écharpe son long fouet aux houppes de couleur.

À l’endroit où se trouvaient les deux amies, deux moulins, à droite et à gauche, bornaient l’horizon de la rivière. C’étaient, en amont, le moulin des Gouffrières, et celui de la Roche, caché dans les feuillages, en aval.