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vellement éclos, qui réjouirent la jeune ménagère, et elles rapportèrent pleins d’œufs leurs tabliers.

— Du moins, à votre place, reprit la jeune paysanne, je voudrais avoir une cinquantaine de poules, au lieu d’une dizaine que vous avez.

— Ma mère prétend que cela coûte trop de grain.

— Mais pas du tout ! Je contente les miennes de cinq ou six poignées ; après ça elles cherchent leur vie du matin au soir ; et voyez comme elles sont grasses ! Petit ! petit ! petit !

À cet appel, accoururent de tous côtés, queue élevée, tête en avant, poules, poulets, et canards avides. Afin de dégager sa parole, Gène leur jeta quelques miettes ; puis, fondant sur une des plus proches, elle la mit aux mains de Lucie, en disant :

— Est-elle assez pesante ? Qu’en dites-vous ? Eh bien, ça se nourrit soi-même presque tout l’été. Ça cherche, ça gratte, ça se promène, et ça ne laisse ni vers, ni chenilles, ni fourmis autour de la maison. C’est un vrai plaisir que d’élever les petits ; voyez comme ils accourent aussitôt qu’ils me voient. Et mes gros oisons tout jaunes ! Sont-ils beaux pour leur âge ! Ils me feront de l’argent plus tard, allez ! Vous ne sauriez imaginer, mam’zelle Lucie, comme toute cette basse-cour nous a rendu service pendant la maladie de ma mère, et encore à présent. Avons-nous besoin d’acheter quelque remède ? vite, nous envoyons un panier au marché. Il nous en a fallu pour des cents francs, allez, depuis trois ans ; mais c’est mes volailles qui ont tout payé, mam’zelle Lucie.

— Te voilà tout orgueilleuse ! dit Lucie en l’embrassant, et tu as raison. Je voudrais bien être une fermière comme toi. Tu prêches une convertie, ma pauvre Gène.

— Oh ! je vous prêche, parce que je vous aime, dit la jeune paysanne, et parce que je vous vois toute pâle et