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rester à Chavagny et de ne pas s’éloigner même du bosquet des lilas, avait été la cause de cette décision. Pauvre Michel !

— Je vais à ce rendez-vous, parce que je l’ai promis, se disait la jeune fille ; mais ce sera la dernière fois. Non, j’y ai réfléchi : aller plus loin serait coupable. Il est temps, bien temps de rompre avec ces folies, puisque notre cœur ne sait pas se borner à l’amitié !

Cela pourtant est bien étrange ! murmura son orgueil. Aimer d’amour un paysan ! Non ! non ! ce n’est pas possible !

Après tout, quelle est la différence entre l’amour et l’amitié ?

La chaleur était vive. Au-dessus des champs, l’air miroitait en vapeur d’or. Abeilles et mouches voletaient en bourdonnant sur les luzernes fleuries. Le grillon chantait.

Mlle Bertin entra sous l’ombre d’un châtaignier, s’assit sur la mousse dorée, aux fleurs de velours brun, et, toute songeuse appuya son front sur sa main :

L’amour, à ce qu’on dit, est chose si particulière ! si étrange ! Quand il n’est pas caché sous un contrat, il apparaît sous forme de scandale, pareil à une maladie, à un vertige. Certainement, je ne suis pas malade ! Je n’éprouve rien que de juste, de sain, de profondément doux.

Oui ! mais pourquoi suis-je si troublée en présence de Michel ? Je le serais moins assurément en présence d’un juge ! en présence d’un roi ! Son regard, je ne puis le supporter. J’ai de l’amitié pour Gène, et quelquefois je la regarde en riant dans les yeux. Si je voulais regarder ainsi Michel, mes yeux se fermeraient malgré moi et je ressentirais au cœur cette émotion acérée comme une lame, pleine de charme pourtant.

Oui, cela est extraordinaire ; mais est-ce dangereux ?

Non ! répondit-elle en secouant la tête, tant son mo-