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Mme Bertin. Mais Lucie n’est pourtant pas trop à blâmer non plus. Il est bien triste de n’avoir aucune sympathie autour de soi ! Tu étais née pour être reine, ma pauvre Clarisse, et ta sœur pour être une bergère de l’Arcadie. Malheureusement, l’Arcadie ne se trouve pas à Chavagny !

Lucie, venant d’achever le déjeuner, entrait à ce moment. Sérieuse et pâle, mais toujours active, elle s’occupa silencieusement de mettre le couvert.

— Tu es toute changée, mon cher cœur, lui dit sa mère. Bon ! te voilà toute rouge à présent. Qu’as-tu donc ?

— Des maux de tête, maman, répondit-elle. Il faut que je fasse quelque longue promenade pour les dissiper un peu.

— Tu crois ?

— C’est, au contraire, le soleil qui te fait mal, dit Clarisse, car tu ne mets jamais ton chapeau.

— Allons donc ! réplique Lucie, le soleil et moi nous nous connaissons trop bien. C’est pourquoi, si maman le permet, je partirai en plein midi, après le déjeuner, pour aller voir Gène aux Tubleries.

— Tu auras bien chaud ! objecte Mme Bertin. Fais comme tu voudras cependant ; mais il serait à propos de t’habiller un peu, car c’est aujourd’hui la Saint-Jean et tu trouveras les chemins remplis de monde.

Lucie paraît satisfaite de ce consentement, et cependant bientôt elle redevient triste et préoccupée. Ce n’est plus, en effet, la jeune fille gaie, franche et vive, qui, depuis deux mois, répandait la lumière et la vie dans le sombre intérieur des Bertin. Tout dénote en elle une secrète souffrance, et sa mère, la suivant d’un œil inquiet, semble se demander si le mal qui dévore l’aînée de ses filles ne menacerait point aussi la cadette ?

Après le déjeuner, Lucie alla dans sa chambre s’habiller. Seule, elle devint plus triste encore. Des larmes par