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Une grande perplexité la saisit le soir, quand vint l’heure de sa promenade au jardin. Quoique le sentiment tînt la première place dans son âme, elle était pourtant cruellement blessée d’être en butte aux méchants propos, et puisqu’il était question de rendez-vous dans les rapports de Mlle Boc, elle reconnaissait bien la nécessité de renoncer à ces entretiens furtifs, qu’elle n’avait jamais acceptés d’ailleurs qu’en se les reprochant à elle-même. Cependant, Michel l’attendait. Elle en était sûre. L’habitude maintenant valait une promesse. Combien il souffrirait de l’attendre en vain !

Elle voulut s’y rendre encore ; mais il fallait que ce rendez-vous fût le dernier. Lucie devait dire à Michel ce qu’elle n’avait pas eu le courage de lui avouer quelques heures plus tôt, l’interprétation que donnait le public à leur intimité. Oserait-elle ? Ah ! même sous le voile de l’ombre, non, cela était impossible. Comment s’exprimer ? Et puis, que répondrait Michel ? N’était-ce pas l’amener presque forcément à avouer son amour ? et alors, que pouvait faire Mlle Bertin, sinon prononcer l’arrêt d’une séparation formelle et irrévocable ?

Aujourd’hui ou plus tard, qu’importe ? lui souffla sa raison.

Qu’importe ? répondit son cœur, oh ! je le sais bien, moi ! Elle sentit alors ce qu’elle n’avait pas encore éprouvé, l’effort de la volonté morale contre la volonté intellectuelle, et ces tempêtes qui se produisent entre elles dans l’âme humaine, comme entre les vents et la mer dans l’immensité.

L’heure étant venue, elle se leva d’instinct.

— Est-ce que tu sors ? dit Clarisse.

— Où vas-tu, Lucie ? demanda Mme Bertin, que la voix de Clarisse éveilla d’un rêve.

— Mais, selon mon habitude, maman, me promener un peu.