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il y a les convenances ; il y a la fermeté inébranlable qu’une noble confiance oppose aux viles calomnies des créatures perverses d’un monde inférieur.

— De grâce, madame Bertin ! Vous vous portez bien, mademoiselle Lucie ? Je vous en prie, madame Bertin ! vous vous échauffez le sang bien mal à propos.

— Je fais ce que je dois, mademoiselle, s’écrie la mère offensée, en élevant subitement la voix de deux tons et demi. Je défends l’innocence injustement accusée de ma propre fille, et…

— Mon Dieu, maman, qu’est-ce donc ? interrompit Lucie.

— Ne le demande pas ! répond Clarisse qui, rouge elle-même et les yeux ardents, paraît saisie d’une colère concentrée.

— Je m’en vais ! s’écrie Mlle Boc. Puisque les meilleurs procédés sont méconnus, je regrette vivement d’avoir eu trop de bonne volonté pour les affaires des autres. Ça me servira de leçon ; on ne m’y reprendra plus. Dorénavant, dans le monde où nous sommes, il faut se mettre un cachet sur la bouche. On ne sait plus avec qui l’on vit. Pour parler aux gens, il faut prendre des mitaines à quatre pouces ; il en est pourtant que l’orgueil aveugle et que la négligence perd !…

— De qui parlez-vous, mademoiselle ? demanda Mme Bertin d’une voix éclatante.

— Je m’entends, madame Bertin, je m’entends ! Adieu, mesdames, adieu.

— Mais qu’y a-t-il ? demande encore Lucie, dès que Mlle Boc a quitté la chambre.

— Ma bien-aimée ! s’écrie Mme Bertin, en courant à sa fille les bras ouverts, et en la pressant énergiquement sur son cœur, tandis qu’elle lève les yeux au plafond, c’est toi qu’on accuse ! c’est toi qu’on ose essayer de flétrir !